Copilotes, agents d’IA, etc. : l’intelligence artificielle se manifeste aujourd’hui sous de nombreuses formes et apparences. La technologie évolue si rapidement qu’il est impossible d’apposer une simple définition sur le terme, même pour les experts en IA.
« Qu’est-ce que l’IA au juste ? » : la question provoque un bref moment de silence lors de la table ronde. ITdaily réunit cinq experts du monde de l’IA pour discuter du merveilleux univers de l’intelligence artificielle. Autour de la table sont assis Gianni Cooreman, Directeur Presales chez Salesforce, Joachim Ganseman, Consultant en Recherche chez Smals, Maarten Callaert, co-fondateur de Paperbox, Lander T’Kindt, co-fondateur de Donna et Christophe Robyns, Associé Gérant chez Agilytic.
Le panel arrive rapidement à la conclusion unanime qu’il n’existe pas une seule définition pour l’IA. Ganseman s’essaie à une tentative : « Il n’y a pas de description claire pour le terme ‘artificiel’, ni pour ‘intelligence’. Comment pourrait-on alors expliquer ‘intelligence artificielle’ ? C’est une discussion philosophique et sémantique qui ne vous fait pas avancer d’un pas dans la pratique. Selon certaines descriptions, même votre thermostat est de l’IA ».
Même votre thermostat peut être de l’IA.
Joachim Ganseman, Consultant en Recherche Smals
Employés numériques
Ces deux dernières années, nous avons assisté à une explosion de modèles d’IA. Alors que l’année dernière, Copilot était apposé sur chaque nouvelle annonce, ce sont maintenant les soi-disant ‘agents d’IA’ qui dominent les débats. « Beaucoup de tâches que l’on peut effectuer avec l’IA sont basées sur le texte ou l’audio. L’IA y excelle. J’utilise moi-même régulièrement des outils d’IA pour structurer mes propres pensées », admet Callaert sans honte.
« Nous avons connu une vague d’IA générative, qui est encore en plein essor », constate Cooreman. « Les entreprises peuvent maintenant se faire une idée de ce qu’implique l’IA, mais il est difficile de l’exprimer en chiffres de productivité. La prochaine évolution concerne les agents d’IA qui exécutent des tâches routinières de manière plus autonome. Il y a un virage vers le travail numérique. La situation économique est difficile pour de nombreuses entreprises : l’efficacité est dans l’esprit de tous ».
« Cela vit aussi fortement dans les PME », enchaîne Robyns. « De nombreux projets pilotes ont été réalisés au niveau personnel. Maintenant, les entreprises cherchent comment appliquer la productivité au niveau de l’entreprise, mais beaucoup ne savent pas encore exactement comment s’y prendre ».
Question de confiance
Pour que les agents d’IA prennent en charge des tâches, l’humain devra avoir confiance en la technologie. Cela ne vient pas de soi, comme le sait T’Kindt, qui compare avec un constructeur automobile bien connu. « Tesla proposait déjà la technologie d’IA pour les voitures il y a dix ans. À l’époque, nous n’y faisions pas confiance. Ce n’est pas différent maintenant : l’IA doit être, pour ainsi dire, au moins dix fois meilleure dans une tâche avant que les gens ne lui fassent confiance ».
« Il est important que nous apprenions à comprendre que l’IA n’est pas précise à cent pour cent. Mais un être humain ne l’est pas non plus. C’est pourquoi nous devons bien délimiter où l’IA peut apporter une valeur ajoutée », fait-il remarquer.
Ganseman examine la perspective du secteur public. « Dans le gouvernement, l’adoption est plus difficile. Au niveau de la productivité personnelle, c’est possible. L’IA est tellement intégrée dans la pile logicielle des fournisseurs que vous n’avez pas le choix de l’adopter. Mais cela devient tout à fait différent lorsque nous allons faire utiliser l’IA par un employé de guichet. Nous sommes encore confrontés à de nombreuses incertitudes juridiques ».
Besoin de repères
C’est ici que l’AI Act devrait apporter de la clarté, mais en Belgique, il y a encore du travail à faire, constate Ganseman. « L’AI Act entrera en vigueur progressivement. Il devrait y avoir un Bureau belge de l’IA, mais je n’en ai encore rien entendu. À ma connaissance, ce n’est pas dans le nouvel accord de gouvernement fédéral. De plus, les régulateurs utilisent à nouveau une définition totalement différente de l’IA dans le texte de loi. Ainsi, on ne peut pas trouver de repères ».
« Nous travaillons à une échelle différente, mais cela nous aiderait aussi s’il y avait un cadre réglementaire clair », renchérit Callaert, qui se concentre sur le secteur bancaire et des assurances avec Paperbox. « Maintenant, nous nous référons au RGPD et à d’autres directives européennes pour démontrer aux clients que notre produit est conforme aux réglementations, mais des règles belges le rendraient plus facile ».
M. Callaert se montre compréhensif envers les régulateurs. « Pour parler en leur faveur : je comprends qu’ils essaient de trouver une description généralement acceptée. Mais l’évolution est si rapide qu’il est difficile de trouver un terme général. Même des termes qui étaient courants pendant des années, comme par exemple les systèmes auto-apprenants, sont déjà obsolètes ».
MM. Cooreman et T’Kindt estiment que les entreprises doivent prendre les choses en main et ne pas attendre les régulateurs. M. Cooreman déclare : « Ce n’est un secret pour personne qu’en Belgique, nous ne sommes pas très innovants mais plutôt averses au risque. Les entreprises veulent d’abord se familiariser avec une technologie en petit comité avant de la déployer ». « C’est pourquoi il est important qu’un humain reste dans la boucle quelque part pour établir cette confiance », ajoute M. T’Kindt.
Il est important que nous apprenions à comprendre que l’IA n’est pas précise à cent pour cent. Mais un être humain ne l’est pas non plus.
Lander T’Kindt, co-fondateur de Donna
Machine de marketing
Les entreprises technologiques devraient faire leur mea culpa. Le lancement de ChatGPT fin 2022 a donné le coup d’envoi d’une machine de marketing qui semble sans fin. Chaque annonce doit contenir quelque part l’acronyme IA, ce qui ne fait que diluer davantage la définition du terme, si tant est qu’elle existe. Nous demandons au panel ce qu’ils en pensent.
« Pour nous, c’est en fait l’inverse. Je me surprends à dire trop peu que nous sommes une entreprise d’IA. Nous pourrions en fait beaucoup plus miser sur l’aspect commercial. C’est intéressant pour les entreprises », remarque M. Callaert. M. T’Kindt soutient son concitoyen de Gand. « L’IA aide certainement à ouvrir des portes. Mais dire simplement que l’on fait quelque chose avec l’IA n’est plus suffisant depuis longtemps. Les entreprises s’attendent à ce que vous puissiez présenter un retour sur investissement ».
« Cela dépend à nouveau de votre définition de l’IA. Pour certaines entreprises, la moindre automatisation équivaut déjà à de l’IA », remarque M. Robyns. « Ils nous demandent alors ce que l’IA peut faire pour eux. Je réponds toujours que cela dépend de leur problème. Chez Agilytic, nous préférons dire que nous faisons aussi de l’IA. Essayer d’y coller une définition n’aide pas. Les problèmes que nous voulons résoudre doivent être au centre, que ce soit avec ou sans IA ».
« En tout cas, cela ne m’impressionne plus. Quand je lis quelque chose sur l’IA et que ce n’est pas clair pour moi quoi et comment, je décroche immédiatement. Nous devons pouvoir percer la bulle du battage médiatique », ajoute M. Ganseman.
Gourous de l’IA
« Tous les vendeurs parlent d’IA aujourd’hui », intervient M. Cooreman, qui ne nie pas que son employeur contribue activement au buzz sur le marché. « Beaucoup d’entreprises ont une sorte de ‘gourou de l’IA’, mais elles peinent à établir un flux de travail décent. Il devient plus difficile pour les entreprises de séparer le bon grain de l’ivraie. Montrer une démo n’est plus suffisant ; les entreprises veulent voir ce que l’IA peut faire en pratique avec leurs données ».
« Je pense qu’il devient important de bien former les vendeurs. Il y a une tendance sur le marché qui essaie de vous pousser vers l’option complète. Les entreprises veulent commencer par l’étape trois, alors qu’elles n’ont pas encore franchi la première étape. Nous essayons d’être prudents à ce sujet », déclare M. Callaert.
« C’est un phénomène interconnecté. Il n’est pas évident d’estimer où en sera la technologie dans six mois. Je reste étonné de l’évolution de la technologie vocale : même le support pour le dialecte de Flandre occidentale est déjà très bon aujourd’hui », dit M. T’Kindt avec un clin d’œil. « Mais il est impossible de savoir maintenant à quel point la technologie s’améliorera encore, car cela dépend de tant de facteurs que vous ne maîtrisez pas ».
« Les feuilles de route des produits deviennent fluides. La technologie évolue si rapidement qu’il devient également plus difficile pour les vendeurs d’estimer exactement à quelle vitesse un logiciel passe de la version bêta à la disponibilité générale. Les modèles de consommation de l’IA créent une nouvelle façon de vendre. Ce changement se produit également au sein de notre entreprise : les vendeurs de CRM doivent pouvoir parler de données et d’IA. Les vendeurs ont besoin d’au moins un peu d’expertise technique », conclut M. Cooreman.
Beaucoup d’entreprises ont une sorte de ‘gourou de l’IA’, mais elles peinent à établir un flux de travail décent.
Gianni Cooreman, Directeur Prevente Salesforce Benelux
Ceci est le premier article rédactionnel d’une série de trois sur le thème de l’IA en pratique. Cliquez sur notre page thématique pour voir tous les articles de la table ronde, la vidéo et nos partenaires.