5G au-delà de 6 GHz : plus rapide que prévu et indispensable selon Nokia et Orange

5G au-delà de 6 GHz : plus rapide que prévu et indispensable selon Nokia et Orange
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Qu’adviendrait-il si les opérateurs de télécommunications disposaient de l’intégralité de la bande de fréquence supérieure de 6 GHz ? Orange et Nokia démontrent à Machelen comment cette fréquence convient parfaitement à une connexion très cohérente et rapide. La question est maintenant de savoir si l’Europe réservera également le spectre aux opérateurs mobiles ou si elle cédera aux demandes du lobby Wi-Fi.

Sur la passerelle cyclable au-dessus de l’A201 à Machelen, il est possible d’atteindre une vitesse de téléchargement de 2,4 Gbit par seconde avec un appareil de démonstration. C’est plutôt satisfaisant : une semaine plus tôt, la démonstration avait atteint une vitesse de pointe de 3,2 Gbit. L’appareil est connecté à une antenne 5G spéciale située sur le toit des bureaux abandonnés de Capgemini. Celle-ci dispose d’une antenne supplémentaire qui émet dans le spectre 6 GHz. Ce test est une première en Belgique.

L’autoroute se congestionne

Aujourd’hui, votre opérateur diffuse son réseau 5G sur une partie de la bande de fréquence 3,5 GHz. Lors de la vente aux enchères des fréquences, longtemps reportée et très débattue, chaque opérateur s’est vu attribuer environ 100 MHz de spectre. Ce spectre peut être comparé à une autoroute de cent voies. Tout le trafic entre les appareils et les antennes au sein d’un réseau 5G circule sur cette autoroute.

Cent voies, c’est beaucoup, mais pas suffisant. Nokia, Orange et d’autres acteurs des télécommunications sont d’accord sur ce point. Une étude de Nokia suggère que le trafic réseau augmentera d’environ 2,5 fois entre aujourd’hui et 2030. D’ici 2030, ou peut-être même plus tôt, l’autoroute de 100 MHz sur la bande de fréquence 3,5 GHz risque de se congestionner.

Peu d’espace libre

La solution : une nouvelle autoroute considérablement plus large de 200 voies par opérateur sur la bande de fréquence 6 GHz. Dans l’UE, la majorité du spectre radio disponible est déjà répartie. Non seulement les opérateurs, mais aussi d’autres entités dont l’OTAN détiennent une part du gâteau. Seule la bande dite Upper 6 GHz (6.425 – 7.125 MHz) dispose encore d’espace libre.

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Les opérateurs télécoms européens supposaient que l’instance européenne compétente préparerait donc la bande pour sa distribution. Le CEPT (Communications Networks Content & Technology Directorate-General) en a reçu le mandat. Et c’est alors qu’est apparu le standard Wifi 6E.

Pirates en vue

Le Wifi 6E est une variante du Wifi 6 pour l’internet sans fil domestique. Le Wifi utilise habituellement des fréquences sur la bande 2,4 GHz très occupée, où se trouve aussi le Bluetooth, et depuis le Wifi 5, également la bande 5 GHz. Le Wifi 6E y ajoute la compatibilité avec la bande 6 GHz.

La Dynamic Spectrum Alliance (DSA) affirme que l’avenir du Wi-Fi est en jeu. Selon la DSA, la bande 6 GHz est cruciale pour son développement futur. Dans une lettre ouverte adressée aux ministres européens chargés de la numérisation, l’association professionnelle affirme que ce serait une erreur de réserver le spectre pour un déploiement de la 6G qui pourrait ne jamais voir le jour. Elle estime qu’il est nécessaire de maintenir la bande supérieure de 6 GHz libre de toute licence et donc de la réserver de facto à des applications telles que le Wi-Fi.

Plus de voies, même investissement

Les opérateurs n’y sont pas favorables. Ils souhaitent que la bande Upper 6 GHz complète soit allouée aux réseaux mobiles. Ainsi, les opérateurs en Belgique pourraient acheter 150 MHz à 200 MHz. Si l’équipe Wifi obtient gain de cause, il s’agira plutôt de 100 MHz par opérateur. L’argument 6G avancé par la DSA est déjà réfuté de manière proactive lors de la démonstration à Machelen, où la bande 6 GHz est utilisée avec la technologie 5G.

Les investissements pour mettre en service le 6 GHz ne sont cependant pas significativement plus importants pour 100 MHz que pour 200 MHz de spectre.

Les investissements pour mettre en service le 6 GHz ne sont cependant pas significativement plus importants pour 100 MHz que pour 200 MHz de spectre. Si le Wifi 6E obtient une partie du spectre 6 GHz, Orange, mais aussi Telenet, Proximus et éventuellement Digi, font face à une réduction de moitié du résultat d’un investissement potentiel.

6 GHz : défis et solutions

La démonstration à Machelen n’a pas lieu par hasard maintenant. La semaine prochaine, les instances réglementaires des États membres doivent prendre position sur l’utilisation du 6 GHz. Ils le font en tant que parties prenantes au sein du Radio Spectrum Policy Group (RSPG) européen. Celui-ci déterminera ce mois-ci sa position officielle sur l’utilisation du 6 GHz et influencera fortement le travail du CEPT. À la périphérie de Bruxelles, Orange et Nokia veulent maintenant prouver que le 6 GHz est parfaitement adapté pour diffuser un réseau mobile.

Ce n’est en effet pas évident : plus la fréquence d’un signal est élevée, plus sa portée est faible. En théorie du moins. Le problème vient cependant avec sa propre solution. Si la fréquence double, non seulement la perte de paquets sur un signal double, mais la taille des antennes est (approximativement) réduite de moitié.

MU-MIMO et beamforming

Cela signifie qu’une antenne 5G 6 GHz sur un pylône contient beaucoup plus d’éléments d’antenne individuels : passant de 192 pour la 5G classique 3,5 GHz à jusqu’à 700 pour l’antenne de démonstration 6 GHz, avec la possibilité d’en relier encore davantage.

Nokia a installé une antenne 6 GHz sur le pylône d’Orange. Le nouveau boîtier le plus blanc émet la 5G sur 6 GHz. Le boîtier au-dessus est une antenne 5G classique 3,5 GHz.

Ces antennes peuvent être orientées individuellement et envoient un signal concentré dans une direction spécifique. C’est ce qu’on appelle le beamforming. Un tel signal dirigé porte plus loin qu’une alternative largement diffusée. Plus il y a de petites sous-antennes, plus les signaux peuvent être directifs.

Grâce à la technologie MU-MIMO que nous retrouvons également en 5G et en Wifi, un appareil comme un téléphone mobile peut ainsi toujours se connecter à un signal dirigé. Cela doit en théorie compenser la perte de signal du 6 GHz.

Plus que compensé

Ce qui apparaît à Machelen : dire que c’est compensé est un euphémisme. L’antenne de démonstration fournit constamment des vitesses 5G plus élevées que le signal 5G classique sur 3,5 GHz.

Nous nous promenons autour des immeubles de bureaux à Machelen, où nous surveillons le débit sur un appareil mobile. Le pylône de test se trouve à environ 300 mètres. Avec une vue directe sur l’antenne, la vitesse de téléchargement se maintient confortablement autour de 1,5 Gbit. Lorsque nous passons derrière les immeubles de bureaux, le signal reste supérieur à 1 Gbit.

Avec vue sur l’antenne, la 5G sur 6 GHz fournit facilement 1,5 Gbit/s. Lorsqu’il y a des bâtiments entre l’appareil et l’antenne, les vitesses de 1 Gbit sont maintenues.

Le beamforming supplémentaire que permet le 6 GHz compense largement la portée intrinsèquement plus faible d’un signal 6 GHz. Dans ce scénario, le 6 GHz se révèle systématiquement comme un meilleur support que le 5 GHz. À cela s’ajoute que le prototype de l’antenne 6 GHz émet avec à peine 30 watts, tandis que l’antenne 3,5 GHz émet avec 100 watts.

Nous observons des vitesses une fois et demie à trois fois plus élevées sur 6 GHz que sur 3,5 GHz. À l’intérieur, la différence est plus faible, mais le 6 GHz performe encore légèrement mieux que le 3,5 GHz. Les vitesses entre les bâtiments surprennent même les experts de Nokia et Orange. Ils s’attendaient à une plus grande baisse de la vitesse de connexion, mais la technologie MU-MIMO fonctionne très bien aussi dans le monde réel.

Preuve établie

Avec cette démonstration, Nokia et Orange veulent prouver que le 6 GHz est parfaitement adapté pour la 5G et les réseaux futurs. Le test a été réalisé avec une antenne Nokia sur le réseau 5G autonome d’Orange, sans optimisations poussées pour le 6 GHz.

Avec cette démonstration, Nokia et Orange veulent prouver que le 6 GHz est parfaitement adapté pour la 5G et les réseaux futurs.

Une petite nuance s’impose cependant : personne d’autre n’émet actuellement sur 6 GHz et Orange n’utilisait qu’une seule antenne. Les interférences sont donc minimales. Dans l’utilisation quotidienne réelle, les antennes interfèrent entre elles, bien que cette interférence sur 6 GHz doive théoriquement être plus faible qu’aujourd’hui avec le 3,5 GHz.

Pérenne sans antennes supplémentaires

Les résultats impliquent autre chose : puisque la 5G sur 6 GHz via le beamforming donne un meilleur signal que le 3,5 GHz, la couverture des sites radio existants suffit. Le déploiement du 6 GHz ne nécessite pas d’antennes supplémentaires en plus des existantes.

Avec cette démonstration, Orange et Nokia présentent un argument fort contre le lobby Wifi, bien que celui-ci puisse argumenter qu’un partage est effectivement une option. Aujourd’hui, les opérateurs ont 100 MHz sur 3,5 GHz, alors pourquoi 100 MHz supplémentaires sur 6 GHz ne suffiraient-ils pas et pourquoi devraient-ils absolument avoir 200 MHz ?

Les opérateurs pointent vers leurs propres études sur l’utilisation du réseau mobile, qui croît de manière exponentielle. Ils argumentent que 100 MHz serait rapidement insuffisant.

Et les autres fréquences ?

Aux États-Unis, le Wifi obtient la bande 6 GHz, mais la situation y est différente. Il y a plus de spectre disponible au total. Le gâteau y est plus grand, donc tout le monde peut se rassasier.

Et qu’en est-il des autres fréquences ? Le 6 GHz est le seul spectre libre autour de ces fréquences relativement basses, mais il y a aussi de l’espace sur 26 GHz par exemple. Pourtant, cela n’apporte pas de solution.

En Europe, il y a moins de spectre à répartir que dans d’autres régions. C’est pourquoi les opérateurs convoitent l’intégralité du spectre upper 6 GHz.

Un signal 26 GHz s’affaiblit encore beaucoup plus rapidement que le 6 GHz. L’astuce MU-MIMO avec des antennes supplémentaires et le beamforming n’est pas infiniment extensible. Dans ces bandes de fréquences vraiment élevées, le modèle avec les sites radio actuels n’est plus tenable, et le pays devrait être parsemé d’antennes supplémentaires. En pratique, ce n’est pas faisable, dit-on, sauf dans des endroits de niche comme certaines places ou festivals. Le 26 GHz n’offre en tout cas pas la même solution structurelle que le 6 GHz.

L’Europe décide

Le CEPT finalisera en mars 2026 son premier projet de rapport à la Commission européenne. Ils devront y évaluer la demande et les arguments des opérateurs par rapport à ceux de l’équipe Wifi. Le rapport final suivra à l’été 2027, après quoi la Commission finalisera probablement le cadre réglementaire quelque part en 2028.

Si l’Europe décide d’allouer trop de spectre au Wifi, les opérateurs craignent un retard difficile à compenser par rapport au reste du monde.

Orange s’exprime pendant la démonstration pour l’ensemble du secteur des télécommunications et espère que la bande Upper 6 GHz sera vraiment allouée exclusivement aux opérateurs télécoms. En Europe, il y a beaucoup moins de spectre disponible qu’aux États-Unis ou en Asie. Le 6 GHz est la dernière fréquence librement disponible particulièrement adaptée qui est sur la table. Si l’Europe décide d’allouer trop de spectre au Wifi, ils craignent un retard difficile à compenser par rapport au reste du monde.

Les fabricants de routeurs ont également leurs arguments. La bande 6 GHz permet d’atteindre des vitesses plus élevées à l’intérieur des bâtiments et y est également relativement peu sujette aux interférences. Cela améliorerait considérablement les performances des connexions sans fil et permettrait des connexions simultanées de meilleure qualité. La Wi-Fi Alliance et la Dynamic Spectrum Alliance craignent que l’Europe ne prenne du retard si le spectre est attribué exclusivement au secteur des télécommunications.

La façon dont ces intérêts seront pesés les uns contre les autres déterminera à quoi ressembleront les réseaux mobiles de demain, combien de spectre les opérateurs auront à disposition pour servir les clients, et combien de voies ils obtiendront pour leur investissement.